Antigone appartient aux légendes attachées à la ville de Thèbes. Elle est l'une des enfants nés de l'union incestueuse du roi de Thèbes Œdipe et de sa propre mère, Jocaste. Antigone est la sœur d'Ismène, d'Etéocle et de Polynice. Elle fait preuve d'un dévouement et d'une grandeur d'âme sans pareils dans la mythologie.
Quand son père est chassé de Thèbes par ses frères et quand, les yeux crevés, il doit mendier sa nourriture sur les routes, Antigone lui sert de guide. Elle veille sur lui jusqu'à la fin de son existence et l'assiste dans ses derniers moments.
Puis Antigone revient à Thèbes. Elle y connaît une nouvelle et cruelle épreuve. Ses frères Etéocle et Polynice se disputent le pouvoir. Ce dernier fait appel à une armée étrangère pour assiéger la ville et combattre son frère Etéocle. Après la mort des deux frères, Créon, leur oncle prend le pouvoir . Il ordonne des funérailles solennelles pour Etéocle et interdit qu'il soit donné une sépulture à Polynice, coupable à ses yeux d'avoir porté les armes contre sa patrie avec le concours d'étrangers. Ainsi l'âme de Polynice ne connaîtra jamais de repos. Pourtant Antigone, qui considère comme sacré le devoir d'ensevelir les morts, se rend une nuit auprès du corps de son frère et verse sur lui, selon le rite, quelques poignées de terre. Créon apprend d'un garde qu'Antigone a recouvert de poussière le corps de Polynice. On amène Antigone devant lui et il la condamne à mort. Elle est enterrée vive dans le tombeau des Labdacides . Plutôt que de mourir de faim, elle préfère se pendre.
Hémon, fils de Créon et fiancé d'Antigone se suicide de désespoir . Eurydice , l'épouse de Créon ne peut supporter la mort de ce fils qu'elle adorait et met fin elle aussi à ses jours.
La pièce de Sophocle (441 avant Jésus-Christ) commence lorsqu'Antigone décide de braver l'interdiction de son oncle Créon et d'ensevelir le corps de son frère Polynice.
C'est de ce texte de Sophocle que va s'inspirer Anouilh pour écrire Antigone en 1942 : " l'Antigone de Sophocle, lue et relue et que je connaissais par cœur depuis toujours, a été un choc soudain pour moi pendant la guerre , le jour des petites affiches rouges. Je l'ai réécrite à ma façon , avec la résonance de la tragédie que nous étions alors en train de vivre".
Cette pièce , créée en 1944, connaît un immense succès public mais engendre une polémique. Certains reprochent à Anouilh de défendre l'ordre établi en faisant la part belle à Créon . Ses défenseurs , au contraire , voient dans Antigone la "première résistante de l'histoire" et dans la pièce un plaidoyer pour l'esprit de révolte.
Résumé
Le Prologue, personnage héritier du chef de choeur, présente les protagonistes, leurs caractères et leurs rôles : Antigone, sa soeur Ismène, son fiancé Hémon, le roi Créon qui est aussi le père d'Hémon, Eurydice la femme de Créon, la nourrice d'Antigone, le messager et enfin les trois gardes.
Antigone rentre chez elle, à l'aube, après une promenade nocturne, elle est surprise par sa nourrice qui lui adresse quelques reproches. La nourrice sort et Ismène dissuade Antigone d'ensevelir le corps de son frère Polynice et ainsi d'enfreindre l'ordre de Créon. Sans succès, Antigone n'entend pas devenir raisonnable.
Antigone se retrouve à nouveau seule avec sa nourrice, elle pense à la mort, la nourrice la réconforte. Ensuite arrive Hémon à qui elle prie de lui pardonner pour la dispute de la veille. Hémon la réconforte en lui déclarant son amour. Antigone lui annonce ensuite qu'elle ne pourra pas l'épouser en lui disant qu'il saura pourquoi "demain".
Ismène essaie encore une fois de convaincre Antigone de renoncer à son projet, mais elle apprend qu'il a déjà débuté. Un des garde du roi arrive alors pour annoncer à Créon que quelqu'un à recouvert de terre le corps de Polynice. Créon ne veut pas que la nouvelle se répande.
Le choeur intervient pour donner sa vision de la tragédie et annonce le "petit coup de pouce pour que cela démarre". Antigone se fait arrêter par un garde pendant qu'elle recouvre pour la seconde fois le cadavre, elle est emmenée chez Créon qui est prêt à la sauver et oublier l'affaire. Antigone refuse et se révolte, elle veut sa mort.
Ismène arrive, elle veut mourir avec sa soeur, elle est prête aussi à aller recouvrir le corps de Polynice mais Antigone refuse. Créon appelle la garde qui emmène Antigone. Hémon supplie son père de l'épargner mais il refuse car c'est elle qui voulait mourir. Hémon s'enfuit.
Antigone reste seule avec un garde, elle lui dicte une lettre qu'elle veut adresser à Hémon. Le messager annonce la mort d'Antigone ainsi que celle d'Hémon. Le Choeur apprends ensuite à Créon que sa femme Eurydice s'est donnée la mort en apprenant la mort de son fils. Il ne reste plus que Créon et ses gardes...
Les personnages principaux
Antigone :
Fille d'OEdipe
Le Prologue nous la décrit comme la petite "maigre jeune fille noiraude" (p. 9). D'après Ismène : "Pas belle comme nous, mais autrement" (p. 29), d'après sa nourrice "elle n'est pas assez coquette !" (p. 17) et d'après elle-même : "je suis laide !" (p. 96), "je suis noire et maigre" (p. 41). Antigone aurait voulu être un garçon : "Ai-je assez pleuré d'être une fille !" (p. 29).
Antigone aime la vie : "Qui se levait la première, le matin, rien que pour sentir l'air froid sur sa peau nue ?" (p. 28), "Moi aussi j'aurais bien voulu ne pas mourir." (p. 24) et elle veut garder ses joies et ses illusions d'enfance. C'est une fille rebelle : "Une fois je t'ai attachée à un arbre et je t'ai coupé tes cheveux, tes beaux cheveux..." (p. 22), "la petite Antigone, la sale bête, l'entêtée, la mauvaise [...]. Elle n'avait qu'à ne pas désobéir!" (p. 25), c'est celle qui dit non et ne veux comprendre : "Il fallait comprendre qu'on ne doit pas manger tout à la fois, donner tout ce qu'on a dans ses poches au mendiant qu'on rencontre [...]. Comprendre. Toujours comprendre. Moi, je ne veux pas comprendre." (p. 26). Elle déteste aussi l'habitude : "s'il ne doit plus me croire morte quand je suis en retard de cinq minutes, [...], alors je n'aime plus Hémon!" (p. 93).
Quelques instants avant de mourir, elle ne sais plus pourquoi elle meurt : "Je ne sais plus pourquoi je meurs." (p. 115), elle est morte pour rien, si ce n'est pour offrir une réflexion sur la vie...
Créon
Roi de Thèbes, oncle d'Antigone.Le Prologue nous le présente comme étant un "homme robuste, aux cheveux blancs [...]. Il a des rides, il est fatigué." (p. 11).
Le Prologue nous présente Créon comme un homme seul : "Créon est seul", sa femme Eurydice "ne lui est d'aucun secours" (p. 11), son page "ne peut rien non plus pour lui" (p. 12) et à la fin de la tragédie le Choeur lui dit : "Et tu es tout seul maintenant, Créon." (p. 121).
C'est un homme courageux, il a dû assumer le métier de roi : "Mais OEdipe et ses fils sont morts. Il a laissé ses livres, ses objets, il a retroussé ses manches et il a pris leur place." (p.11), "Un matin, je me suis réveillé roi de Thèbes. Et Dieu sait si j'aimais autre chose dans la vie que d'être puissant..." (p. 78). Il fait son travail du mieux qu'il peut : "des problèmes précis se posent, qu'il faut résoudre, et il se lève, tranquille, comme un ouvrier au seuil de sa journée." (p. 11).
Il a de l'affection pour sa nièce Antigone mais ne la comprend pas, il va même essayer de la sauver : "je vais tout de même perdre le temps qu'il faudra et te sauver, petite peste." (p. 76). Après l'exécution d'Antigone qu'il a été contraint d'entreprendre et qui a entrainée la mort de son fils et de sa femme, il continue son travail quotidien : "Eh bien, si nous avons conseil, petit, nous allons y aller." (p. 122).
Après avoir ordonné la mort, il attend la sienne : "Créon va commencer à attendre la mort" (p. 123). Pour lui, tout est absurde...
Hémon
Fils de Créon, fiancé d'Antigone.Jeune prince vigoureux.
Il refuse de devenir un homme comme son père : "Regarde-moi, c'est cela devenir un homme, voir le visage de son père en face, un jour." (p. 105), il veut rester enfant. Il pense que son père peut tout faire : "Tu es le maître" (p. 102), "Tu es encore puissant, toi, comme lorsque j'était petit.", "Je suis trop seul et le monde est trop nu si je ne peux plus t'admirer." (p. 104).
Lors de la mort d'Antigone qu'il ne supporte pas, "Hémon [...] se plonge l'épée dans le ventre et il s'étend contre Antigone" (p. 119).
Ismène
Soeur d'Antigone.
Belle jeune fille charmante et coquette aux yeux d'Antigone, elle aime aller au bal : "Cela me rassure ce matin, que tu sois belle.", "et je t'ai coupé tes cheveux, tes beaux cheveux...", "toutes ces belles mèches lisses et bien ordonnées autour de la tête !" (p. 22), "Ismène est rose et dorée comme un fruit." (p. 41).
Elle n'est pas courageuse et a peur de mourir : "Moi, tu sais, je ne suis pas très courageuse" (p. 27), "Et souffrir ? Il faudra souffrir, sentir que la douleur monte, qu'elle est arrivée au point où l'on ne peut plus la supporter; qu'il faudrait qu'elle s'arrête, mais qu'elle continue pourtant et monte encore, comme une voix aiguë... Oh! je ne peux pas, je ne peux pas...". Elle souhaite raisonner sa soeur : "Essaie de comprendre au moins !" (p. 25).
Pourtant à la fin de la pièce Ismène veut accompagner sa soeur dans la mort : "Antigone, pardon ! Antigone, tu vois, je viens, j'ai du courage. J'irai maintenant avec toi !" (p. 97), "Si vous la faites mourir, il faudra me faire mourir avec elle !" (p. 97).
Soeur d'Antigone.
Belle jeune fille charmante et coquette aux yeux d'Antigone, elle aime aller au bal : "Cela me rassure ce matin, que tu sois belle.", "et je t'ai coupé tes cheveux, tes beaux cheveux...", "toutes ces belles mèches lisses et bien ordonnées autour de la tête !" (p. 22), "Ismène est rose et dorée comme un fruit." (p. 41).
Elle n'est pas courageuse et a peur de mourir : "Moi, tu sais, je ne suis pas très courageuse" (p. 27), "Et souffrir ? Il faudra souffrir, sentir que la douleur monte, qu'elle est arrivée au point où l'on ne peut plus la supporter; qu'il faudrait qu'elle s'arrête, mais qu'elle continue pourtant et monte encore, comme une voix aiguë... Oh! je ne peux pas, je ne peux pas...". Elle souhaite raisonner sa soeur : "Essaie de comprendre au moins !" (p. 25).
Pourtant à la fin de la pièce Ismène veut accompagner sa soeur dans la mort : "Antigone, pardon ! Antigone, tu vois, je viens, j'ai du courage. J'irai maintenant avec toi !" (p. 97), "Si vous la faites mourir, il faudra me faire mourir avec elle !" (p. 97).
Biographie de Jean Anouilh
Jean Anouilh est né en 1910 à Bordeaux (France). Son père est tailleur et sa mère musicienne ainsi que professeur de piano, elle joue dans un orchestre se produisant sur des scènes de casino en province. C'est dans les coulisses de ces casinos qu'il découvre les grands auteurs classiques : Molière , Marivaux et Musset.
Jean Anouilh vit à Paris et rentre au collège Chaptal. C'est très tôt qu'il se prend de passion pour le théâtre . En 1928, il assiste émerveillé, au printemps, à la représentation de Siegfried de Jean Giraudoux, l'adolescent de dix-huit ans fut ébloui, subjugué...
En 1929 il devient le secrétaire de Louis Jouvet. Les relations entre les deux hommes sont tendues. Qu'importe, son choix est fait, il vivra pour et par le théâtre.
Sa première pièce, l'Hermine (1932), lui offre un succès d'estime, et il faut attendre 1937 pour qu'il connaisse son premier grand succès avec le Voyageur sans bagages . L'année suivante le succès de sa pièce la Sauvage confirme sa notoriété et met fin à ses difficultés matérielles.
Puis éclate la seconde guerre mondiale. Pendant l'occupation, Jean Anouilh continue d'écrire. Il ne prend position ni pour la collaboration, ni pour la résistance. Ce non-engagement lui sera reproché.
En 1944 est créé Antigone. Cette pièce connaît un immense succès public mais engendre une polémique. Certains reprochent à Anouilh de défendre l'ordre établi en faisant la part belle à Créon . En 1945, il s'engage pour essayer de sauver l'écrivain collaborateur Robert Brasillach de la peine de mort; en vain. Cette exécution le marque profondément.
Il écrira encore plusieurs pièces dans les années soixante-dix, dont certaines lui vaudront le qualificatif "d'auteur de théâtre de distraction". Il n'en reste pas moins qu'il a bâti une oeuvre qui révèle un pessimisme profond.
Anouilh est mort en 1987.